©Gaël Dupret/MaxPPP, France, Montreuil 13-05-2016 : Portrait de photographe Photo : Portrait de Martin Garanger dans son atelier de Montreuil. Martin Garanger est un tireur d'exception. Pour les tirages photos d'exposition et de collection (digigraphie) il travaille avec une imprimante Epson Stylus Pro 11880. Il est équipé et formé pour imprimer des épreuves certifiées FOGRA. Martin Garanger photographie avec un Leica. Il est le fils de Marc Garanger le grand reporter photographe.

Portrait de Martin Garanger dans son atelier de Montreuil.

Bonjour, je suis Martin Garanger, je suis tireur et photographe. L’Atelier Martin Garanger est né le 2 janvier 2001. C’est un atelier d’impression numérique jet d’encre à pigment micro encapsulé.
J’ai commencé avec la première imprimante au monde qui utilisait des encres à pigments : une Epson qui passait des rouleaux d’1m12 de large. Contrairement aux précédentes imprimantes qui utilisaient des encres à colorant, elle permettait, de par sa qualité, la réalisation de tirages non seulement d’exposition mais aussi de collection. Cela vient, notamment, du fait que, les encres à pigment résistent longtemps aux UV. On peut également choisir le support d’impression comme des papiers pur coton sans acide, des papiers d’art mat ou brillant, des supports plus ou moins blancs, plus ou moins texturés, etc. On fait des tirages qui par la nature du papier ne vont pas jaunir : ils ont une durée de vie de plus ou moins cent ans.

Comment es-tu devenu tireur ?

Je suis tombé dans la photo quand j’étais petit : mon père (NDLR : Marc Garanger) était photographe. Aujourd’hui il est à la retraite et ne produit plus de photos mais il a beaucoup voyagé et a notamment travaillé sur les campagnes de pub pour Kodak.  Etant jeune je me suis posé la question d’être, comme mon père, auteur photographe mais je n’ai pas réussi à trouver mon style et mon book était rempli de photos hétéroclites. Finalement j’ai travaillé dans l’audiovisuel en régie, casting et tournages.

En 1999 j’ai travaillé pour l’agence Paysages fondée par Daniel Quesney un ancien photographe de l’Observatoire Photographique du Paysage. Il avait besoin d’une personne pour numériser les tirages photos fournis par les photographes de l’agence. C’était des tirages 18×24 ou 24×30 cm que je numérisais sur un scanner à plat Epson ou Agfa à 600 DPI. Cela générait des fichiers de taille importante mais permettait de conserver une image de très haute qualité afin de répondre à toutes les demandes et même au-delà. A l’automne 2000 Daniel Quesney me suggère d’aller au salon de la photo. Epson y présente sa première imprimante au monde avec des encres à pigments :  une révolution dans le milieu. Fort de mon expérience auprès de l’agence Paysage et d’une somme perçue d’un héritage, j’en ai acheté une et me suis inscrit à la Chambre des Métiers en tant qu’artisan.

Je me suis lancé dans ma toute nouvelle entreprise en tant que tireur avec mes quelques bases, directement sans avoir été tireur chez un confrère ce qui est généralement le cursus du métier. J’ai quand même fait un stage chez Picto et chez Georges Fèvre (NDLR : tireur de Robert Doisneau et Henri Cartier Bresson) avec qui j’ai énormément appris.

Dans le domaine de la couleur j’étais un novice mais j’ai appris rapidement. Ainsi, les premières années de mon atelier, j’ai travaillé en collaboration avec le tireur Philippe Guilvard qui était à l’époque le grand spécialiste du tirage d’après négatif couleur à l’agrandisseur. J’ai beaucoup appris à ses côtés ; et de son côté cela lui permettait de pouvoir proposer à ses clients des impressions jet d’encres.

Mon métier c’est d’accompagner un photographe, un peintre ou un plasticien en intervenant sur les aspects techniques de choix d’agrandissements, du papier, de la définition, de la retouche, de la chromie, de la densité, du contraste, etc. Je suis très à l’aise et j’y prends un vrai plaisir ! Ça ne m’empêche pas à mes heures de taquiner l’obturateur mais mon métier c’est le tirage, ça l’est depuis plus de 15 an.

Tireur d’exception

J’ai la chance de pouvoir travailler avec de grands photographes qui viennent de loin pour que ce soit moi qui tire leurs photos. Je pense notamment à Stefanie Dworkin qui prend son billet d’avion de New-York pour faire ses tirages ici avec moi et qui repart avec ses tirages sous le bras. En 2015 Henri Clément, un ami photographe de mon père, m’invite au vernissage de son exposition de photos lenticulaires. Alors qu’il était avec un de ses amis, il me présente en lui disant « Je te présente Martin Garanger un des meilleurs tireurs d’impression numérique ».

J’apporte un grand investissement à chacun de mes clients, qu’ils soient grands artistes ou amateurs éclairés. Leurs retours me permettent d’évoluer dans ma pratique, et leur reconnaissance alimente ma passion pour mon métier. Participer par mon travail à l’immortalisation des œuvres de ces photographes est un grand privilège.

Mon plus grand tirage

Il fait 10m de haut sur 18m de large. Il est composé de 68 laizes qui font chacune 1m de large sur 2m40 de haut (taille des plaques réalisées par le maçon). Pour réaliser ce tirage, il m’a fallu 1 mois de travail, 3 jeux complets de cartouches d’encre et l’impression de 100 laizes et pour avoir les 68 bonnes.

Il s’agit d’un tirage accroché sur un plafond en biais du Nouveau Théâtre LE MANEGE à MONS en Belgique. Il se trouve au dos des gradins en biais et devant il y a une verrière composée de vitres transparentes intercalées de vitres dépolies.

stenope

La photo que j’ai tirée est une création de l’association Caravana Obscura fondée par Christine Felten et de Véronique Massinger. Pour la réalisation de cette photo elles ont transformé une caravane en appareil photographique à sténopé géant. (NDLR : Un appareil photographique à sténopé se présente sous la forme d’une boîte dont l’une des faces est percée d’un trou minuscule qui laisse entrer la lumière. Sur la surface opposée à cette ouverture vient se former l’image inversée de la réalité extérieure, que l’on peut capturer sur un support photosensible, tel que du papier photographique. Comme l’œil, le sténopé capture des images inversées du visible. Voir article Wikipédia).

Elles ont utilisé du papier inversible couleur Cibachrome (NDLR : L’Ilfochrome, connu aussi sous le nom de Cibachrome, est un procédé de tirage photographique couleur depuis un film inversible, souvent sous la forme d’une diapositive couleur, produit par Ilford jusqu’en 2013) d’1m de haut sur 1m80 de large collé au fond de la caravane pour « imprimer » l’image. La durée de prise de vue est très longue : 1 journée, on voit ainsi par étape le déplacement du soleil. Cette photo représente un paysage avec une grande partie de ciel bleu très dégradé qui s’assombrit dans les coins. Ce travail photographique nécessite un gros travail de repérage et de préparation…

Pour que je puisse tirer la photo, il a fallu numériser l’image originale chez Picto Front de Seine où il y a un scanner géant. Seulement c’est un scanner fait pour la réduction et non pas pour l’agrandissement, par exemple pour les peintres qui font des grands formats et qui ont besoin de visuels plus petits pour l’édition. On a donc scanné avec la plus haute résolution possible et il y a eu un fort ré-échantillonnage à l’impression pour conserver un rendu fidèle à la photo initiale.

Ma plus grande crainte concernait le ciel qui était composé d’un très grand nombre de laizes car lors de l’impression il m’était impossible d’avoir suffisamment de recul pour savoir si le dégradé allait être fluide d’une laize à l’autre pour un assemblage final harmonieux et fidèle. Je suis allé à l’inauguration du théâtre et c’était magnifique.

Le tirage le plus long

Il fait 38m de long sur 20cm de haut en 1 seule laize que j’ai imprimé en 2 exemplaires. L’impression a duré 3h mais il a fallu rester attentif tout le long pour vérifier que le papier restait bien droit malgré son changement de volume dû à l’encrage. La finition a pris beaucoup de temps également : un rouleau fait 1m20 de largeur et 40m de longueur, il a donc fallu réaliser les découpes sur chaque longueur des 2 exemplaires, soit 4x38m à raison d’1m par 1m. C’est la première fois que j’utilisais un rouleau dans son intégralité pour un seul tirage. Il s’agissait d’un papier mat de 115g qui avait besoin d’être fin pour qu’une fois roulé l’objet ne soit pas trop épais.

La photo finale se regarde de gauche à droite et se manipule comme une Torah mais en image : on la fait défiler avec des manettes de gauche à droite C’est un ami photographe qui a offert cet objet à ses parents qui fêtaient leurs 50 ans de mariage et c’était toute leur vie en photos sur 38mètres de long.

Le tirage le plus petit

Il est à peine plus grand qu’un timbre-poste et fait 2cm sur 3cm. C’est une artiste qui avait fixé ses tirages au mur avec une loupe à côté des tirages pour que le spectateur puis les regarder. Le résultat m’a impressionné : avec la même imprimante que pour mon tirage de 38m de long, j’ai pu réaliser ceux de 2cm sur 3cm et cela reste des photos de qualité et non pas des points d’encres qui donnent un semblant d’image.

Être Fils de…

Quand j’étais plus jeune c’était plus difficile pour moi de trouver ma place. Mais ce qui est vraiment bien dans le fait d’être devenu tireur c’est que je peux travailler avec mon père en apportant ma valeur ajoutée. Nous sommes complémentaires : lui produit des photos et moi je peux les imprimer, les agrandir. Elles sont déjà magnifiques par son travail d’auteur et moi je peux leur donner vie en les matérialisant.

Le mot de la fin

Je pense à l’avenir Depuis quelques années je ne suis plus inquiet pour l’avenir de mon atelier et, Inch’allah, pourvu que ça dure ! Ma liberté de travail me plaît et j’espère pouvoir continuer de faire des tirages à mon propre compte, car je sais que c’est ce qui plait aussi à mes clients. Et ça c’est très important.

Pour en savoir plus :

Site internet de l’Atelier Martin Garanger

Martin Garanger, partenaire.