Bonjour, je m’appelle François-Xavier, vigneron. Après plusieurs années de préparation j’ai lancé ma maison de champagne « Hippolyte Leroux ». 2016 est ma deuxième année de commercialisation.
J’ai passé mon BAC en région Champagne à Avize puis un BTS en apprentissage à Beaune en Bourgogne et une Licence Professionnelle de Commerce à Chalon-sur-Saône. J’ai continué mes études en Suisse à Changins la Haute Ecole de Viticulture et Œnologie de Nyon (entre Genève et Lausanne). Je suis une personne curieuse de tout et je lis énormément sur le vin, la nature, l’architecture, ainsi que l’art en général.

Ma grande passion et mon métier c’est le Vin. J’adore faire des dégustations, découvrir de nouvelles régions, de nouveaux vins. Depuis deux ans je fais parti d’un club de dégustation des vins étrangers. Cela me permet de découvrir des vins réalisés avec des terroirs différents mais aussi un état d’esprit et une culture différente de la nôtre. Les histoires de ces vignerons, qui se sont lancés sans aucun héritage ni savoir-faire et qui font tout pour faire la meilleure qualité sont riches en enseignements. On découvre également d’autres vignobles d’Europe qui ont 1000 ou 2000 ans mais dont on n’entend pas parler en France…

La maison Hippolyte Leroux

Il y a un siècle, mon arrière-grand-père Hippolyte a perdu son père très jeune. Il s’est retrouvé propriétaire d’une ferme avec toutes les activités agricoles de l’élevage à la viticulture. A la fin du 19ème siècle, les maladies et les parasites, notamment le phylloxéra, le mildiou, et l’oïdium apparaissent sans que les vignerons n’aient de solutions viables pour les combattre. La première Guerre Mondiale a également ravagé la région par les bombardements intensifs. Sortie de la guerre, il fallait reconstruire car la ferme avait bien souffert, le vignoble avait été ravagé.

Créer un vignoble coûte de l’argent et à l’époque le champagne n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui (c’était une toute petite partie de la Champagne qui était entre Epernay et Reims), il a donc pris la décision de ne pas recréer le vignoble. Près de 70 années se sont écoulées avant que mon grand-père et mon père prennent le choix de recréer le vignoble. Comme il reste encore beaucoup de terres à planter, j’ai repris le flambeau en créant mon vignoble.

Pourquoi avoir recréé ton vignoble ?

Par passion. Mes parents m’ont toujours fait gouté un peu de vin aux repas de famille pour éveiller mon palais et à 16 ans j’achetais mes premières bouteilles. Au collège, lorsqu’on doit choisir un métier, vigneron s’est imposé comme une évidence. De plus c’est un métier complet qui t’offre l’équilibre d’être en pleine nature, dans la campagne et en parallèle il y a la production et la commercialisation du vin… c’est très varié.

Savoir s’entourer

Le vin c’est vraiment très long à élaborer et nécessite un savoir-faire complexe que l’on acquière au fil des années. Quand un peintre ou un artisan veut créer un objet, il va essayer, se tromper et va recommencer, … alors que le vin c’est une fois par an. Là où Picasso faisait plusieurs dizaines ou centaines de dessins par jour pour s’entrainer et pour travailler son geste le vigneron a dans toute sa vie, 40 voire au mieux 50 tentatives pour faire le meilleur vin…

Ainsi, pour mon champagne j’ai décidé de m’entourer de partenaires compétents pour réaliser le meilleur champagne possible. J’ai appris à mettre en place des collaborations qui permettent de profiter des expériences et des savoir-faire de chacun. Le vin est un milieu très complet : on peut tout faire mais il faut aussi savoir déléguer pour faire de la qualité.

S-California ?

C’est ma première cuvée. La prochaine est en cours d’élaboration.

C’est en pleine crise de 2008 que je décide de faire du champagne. Quand j’ai commencé à planter mon vignoble tout allait bien en Champagne, les ventes augmentaient chaque année. La crise arrive, les consommateurs réduisent leurs achats et le champagne voit ses ventes baisser. Initialement, comme toutes les maisons de champagne, je pensais faire mon champagne, coller une étiquette et le vendre. Seulement l’avenir devenant incertain je me suis posé beaucoup de questions sur la faisabilité de mon projet, mon marché, mon positionnement vis-à-vis de celui-ci. Autour de moi les grandes maisons révisaient leurs budgets communication, leurs stratégies…

J’ai augmenté les recherches, les études, rencontré un grand nombre de personnes travaillant dans le vin mais aussi dans des métiers complètement externes à mon univers. Grâce à internet, j’ai regardé les trajectoires et les conseils d’entrepreneurs, et surtout ceux qui avaient vécu des crises et comprendre comment ils avaient fait pour la dépasser sans que cela n’ait trop d’impact sur eux.

C’est ainsi que j’ai découvert l’esprit entrepreneurial Californien. C’est un état d’esprit de philanthrope : ils partagent aisément toutes les clés, le savoir-faire de leur réussite. L’entrepreneur français garde précieusement ses clés de réussite. Il ne les donnera qu’à quelques personnes en qui il a vraiment confiance de peur que quelqu’un vienne « chasser sur ses terre » et lui prenne sa place. En Californie ils partagent pour le bien du pays, par esprit patriotique : en donnant les clés, les méthodes de réussite, d’autres vont réussir, l’économie du pays va se développer et tout le monde sera gagnant.

Ils partent du principe que lorsque tu as réussi tu es sur une position dominante, et il devient compliqué de prendre ta place. J’ai vraiment profité de toute cette connaissance, de toute cette expérience et de ce savoir-faire. Ce partage à conditionné ma vision de l’entreprise et au final mon champagne. Le nom S-California c’est une forme de remerciements car sans ce partage j’aurai fait énormément d’erreurs et je pense qu’aujourd’hui je n’aurais pas pu aller aussi loin au niveau de la qualité.

Un packaging différent

Le monde change, tout change. Je crée ma maison dans le 21ème siècle, l’état d’esprit diffère de celui du 19ème ou 20ème siècle quand les autres maisons se sont créées.

J’ai énormément travaillé sur l’histoire des maisons de champagne. Toutes, lors de leur création, étaient en avance sur leur temps. C’était des chefs d’entreprise visionnaires qui se sont entourés des dernières technologies de leur époque. Ce fut par exemple les premières entreprises à s’équiper en électricité. La Champagne est un des berceaux de l’aviation car les maisons de champagne ont sponsorisé les pionniers de l’aviation française et étrangère pour leur permettre de se développer. Dom Pérignon, sous Louis XIV, utilisait lui aussi des techniques qui pour son époque étaient étonnantes et nouvelles.
Dans mon projet d’avant crise je voulais faire quelque chose de traditionnel, et au final je me suis dit que créant ma maison au 21ème siècle, il fallait qu’elle en soit le reflet. Ainsi j’ai conçu l’habillage de mes bouteilles en m’inspirant de mon époque.

Comment es-tu perçu dans la profession ?

L’habillage surprend beaucoup. Que ce soit en France ou dans le reste du monde, Il est extrêmement rare de voir un habillage aussi coloré. Les vignerons sont très traditionnels mais ils aiment également beaucoup la nouveauté. Il faut néanmoins montrer, expliquer. A chaque époque ses évolutions

Prochaine cuvée ?

Faire du champagne se fait sur plusieurs années, il ne faut pas être pressé. De la taille de la vigne à la commercialisation de la bouteille, il y a minimum 3 ans, voire 4 ou 5 si on utilise les vins de réserve. Les chefs de caves des grandes maisons, font les champagnes pour leurs successeurs. Le champagne qu’ils vendent c’est celui du chef de cave précédent, restés 10 ou 15 ans en cave auxquels s’ajoutent les vins de réserve.

Je travaille sur ma prochaine cuvée et j’espère pouvoir la présenter en début d’année prochaine. Contrairement aux entreprises du secondaire, du tertiaire, ou le calendrier de sorties est stratégique, ma recherche de qualité m’impose de m’adapter à mon produit. On travaille avec le vivant : la nature, le climat, les levures, les conditions de production… La nature est ingérable, cela influe sur la durée aléatoire pour faire un vin. De plus Il y a aussi des choses que l’on n’explique pas encore dans le processus de création du vin ou du champagne. C’est ce qui fait entre autres la magie du champagne.

Qu’est-ce que l’on n’explique pas dans la création du champagne ?

L’élaboration de l’alcool se fait par la levure et donc des cellules microscopiques. Tu peux contrôler la température mais il y a toujours une part de :  Le climat, les tanins, la température extérieure, l’hygrométrie, la pression, le vieillissement en cave varient, et chaque millésime sera différent des autres. Aujourd’hui il y a encore des phénomènes que l’on observe mais qu’on a du mal à expliquer même si on a fait beaucoup de progrès depuis 1 siècle. Par exemple au 19ème siècle les vignerons ne comprenaient pas l’apparition des bulles dans la bouteille. Aujourd’hui, la chimie et les analyses avec Pasteur ont permis de comprendre une grande partie du processus. Mais les variations sont des phénomènes non expliqués et non maitrisés.

Lien entre le kendo et la vigne ?

Pendant 8 ans j’ai fait du Kendo, un art martial japonais qui se rapproche de l’escrime en France.
Au Kendo, l’approche est très codifiée. On a une attention, un respect des objets et de l’autre. On doit garder le contrôle. Pour perdre un combat au kendo tu as besoin de 4 défauts : la peur, le doute, la perplexité et la surprise. Au final dans la vie ces 4 défauts sont omniprésents et c’est pareil dans la vigne. Apprendre à les gérer au Kendo, cela me permet de prendre des décisions complètement différentes et de prendre du recul sur ce qui m’entoure, les décisions à prendre et aussi de pouvoir lâcher prise.

Où peut-on trouver ton champagne ?

La vente de mon champagne fait encore l’objet d’une réflexion stratégique sur sa commercialisation et le plan de communication. Donc pour l’instant je fais uniquement de la vente directe. Des études sont en cours pour comprendre les besoins et attentes des restaurateurs et cavistes afin de pouvoir leur apporter la meilleure réponse. Je prends le temps nécessaire pour mettre les choses en place. Aujourd’hui 96% du vin est vendu par les intermédiaires : CHR (Cafés Hôtels, Restaurants) Supermarchés, grandes surfaces, cavistes… Je souhaite développer la vente directe et actuellement je me pose la question de la stratégie à mettre en place pour y arriver.

Je viens de mettre en place des partenariats avec le Cercle du Leadership ainsi que la maison de couture Madeleine Road à Paris. Cela me permet de rencontrer des dirigeants, leur faire découvrir mon champagne et discuter avec eux. Je prends un vrai plaisir à rencontrer mes clients en direct. Ça permet d’avoir un retour immédiat lors des dégustations, de pouvoir discuter avec eux, leur expliquer le champagne, leur faire découvrir la maison mais aussi découvrir qui ils sont.

Le mot de la fin

Retrouvez-moi sur Facebook ainsi que sur mon site. Je me déplace très souvent sur Paris. On peut se rencontrer et faire connaissance !

Visitez le site de la maison Hippolyte Leroux

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